[Rugby] Les nouvelles règles en question

Souvent décriées, difficiles à intégrer, les nouvelles règles en vigueur dans le Top 14 ont encore fait parler d'elles à l'occasion de la cinquième journée. Perpignanais et Parisiens, malgré leurs victoires, se sont notamment plaint de l'interprétation du nouveau règlement par le corps arbitral. Le chantier est encore grand pour changer les mentalités, et la qualité du jeu s'en ressent.

McKenzie en colère
Samedi après-midi, dans les vestiaires du stade Jean-Bouin, la scène a surpris mais elle est éloquente. Alors que ses hommes venaient de conforter leur place de leader avec une large victoire sur Brive (37-16), Ewen McKenzie est à peine revenu sur la performance probante de son équipe. Il a préféré faire une longue sortie sur les travers de l'arbitrage qu'il a constaté tout au long du match. Dans son collimateur, le grand nombre de fautes sifflées contre le Stade Français (22 pénalités au total), et surtout les travers engendrés par les nouvelles règles, notamment dans les rucks.

Le problème est simple : l'équipe a produit beaucoup de jeu, mais elle a été souvent sanctionnée, trop souvent selon l'entraîneur australien, qui déplore que par défaut, les arbitres français aient tendance à privilégier les défenseurs. Or ce n'est pas franchement ce qu'induisent ces nouvelles règles, qui étaient censées au contraire favoriser le spectacle. Ce qui énerve McKenzie, qui pointe du doigt les arbitres du championnat : «Le problème, c'est que les arbitres dans un ruck ne regardent que l'équipe qui attaque. Et la sanctionne. Je me suis renseigné : en Angleterre, ce n'est pas du tout arbitré comme cela. C'est donc un problème d'interprétation. Il faut poser la question à la Fédération parce que, du coup, on ne va plus du tout attaquer. Et uniquement occuper le terrain au pied.»

L'effet inverse
Autre match, autre victoire mais autre coup de gueule, Jacques Brunel, le coach de l'USAP, a lui aussi passé une bonne partie de la rencontre à pester contre l'arbitrage de monsieur Maciello. Pour les mêmes raisons que son homologue parisien, puisque selon lui, son équipe, qui a dominé dans la possession du ballon, a été très souvent pénalisée, trop souvent à son goût. A bout d'une mi-temps, Brunel a donc clairement demandé à ses hommes d'occuper le terrain au pied, tout en hurlant régulièrement le fond de sa pensée, sous forme de provocation : «A ce jeu il ne faut pas avoir le ballon !». Ces deux réactions, après pourtant deux succès importants des deux premiers du championnat, peuvent paraître surprenantes et disproportionnées. Elles confirment en fait surtout la difficulté de mise en place des nouvelles règles, qui ne sont pour l'instant pas un franc succès.

Le problème semble double. D'abord c'est peut-être trop d'un coup. Avec treize nouvelles règles, les joueurs comme les arbitres doivent réapprendre plusieurs phases de jeu, et l'adaptation est forcément compliquée, en tout cas elle demande du temps. Ensuite il y a pour l'instant un travers inquiétant, inverse du but initial. Alors qu'elles devaient favoriser le jeu et le spectacle, les nouvelles règles incitent au contraire les équipes à occuper le terrain au pied, à balancer des chandelles, bref à se débarrasser du ballon de peur de se mettre à la faute pour des raisons pour l'instant incomprises. Ce sont évidemment encore et toujours les phases de rucks qui posent problème. Les instances fédérales voulaient limiter au maximum ces phases de jeu, qui avaient pris trop de place dans le rugby moderne et empêchait le jeu au large.

Donc elles ont permis par exemple l'écroulement du maul pour abréger ces mouvements obscurs, en espérant que cela inciterait les équipes à écarter les ballons. C'est pour l'instant un échec, et la réflexion concernant l'avenir du jeu est loin d'être terminée. Ces nouvelles règles sont à l'essai jusqu'en mars, elles ne font pour l'instant pas l'unanimité, loin de là. Une fois digérées, elles aideront peut-être le rugby à devenir plus accessible. Pour l'instant au contraire elles compliquent les choses, et notamment la tâche des arbitres, qui ont encore plus de mal à voir ce qui se passe dans les rucks. Il reste encore quelques mois pour digérer et revenir à un jeu de mouvement et d'initiatives, pratiqué dans le Sud avec les mêmes règles. Comme quoi rien n'est perdu.

Source : Lequipe