Justine, quand et pourquoi avez-vous pris la décision de stopper votre carrière, à 25 ans seulement ?JUSTINE HENIN : "Ce n'est pas une décision prise sur un coup de tête. Cela résulte en fait d'un long cheminement. Depuis quelques mois, je ne trouve plus de sens à ce que je fais sur le circuit. Depuis Madrid (le Masters qu'elle a remporté fin 2007), en fait. Ma victoire difficile en finale face à (la Russe)
Maria Sharapova au terme du match le plus long de la carrière, je l'ai vécue comme l'apothéose de ma carrière. Ce jour-là je me suis dit que j'avais tout vécu et tout donné. Et je suis arrivée au bout de ma réflexion la semaine dernière à Berlin en constatant que je n'avais plus la flamme. J'ai vraiment voulu m'accroher mais à Berlin (éliminée dès le 3e tour), c'est vraiment devenu une évidence: je n'avais plus envie d'être là".
Est-ce une décision sans appel ?"C'est une décision ferme même si certains vont penser le contraire. Je sais que c'est un choc pour beaucoup mais je pars sans regret, avec soulagement Il m'a fallu du courage car je sais qu'il y a des choses qui me manqueront".
Vous vous en allez en qualité de numéro un mondiale. Cela était voulu ?"Oui, c'est important. Je suis une gagneuse. C'est mon caractère. J'aurais très mal vécu le fait de redescendre au classement (de la WTA). Je vais disparaître du classement lundi prochain avec le dossard N.1 et une immense fierté. C'est peut-être unique dans l'histoire du tennis. C'est très important pour moi, merveilleux".
Votre décision aurait-elle été différente si vous aviez réalisé de meilleurs résultats ces dernières semaines ?"Mais je n'aurais vraiment pas pu réaliser de meilleurs résultats. Depuis le début de l'année, je rame, et tout le monde le voit. Il me manque la hargne, l'envie, l'amour de ce que je vais. Sans tout cela, je n'avance plus".
Vous êtes une femme de défis. N'aviez-vous pas envie de gagner Wimbledon ou de conserver votre titre olympique à Pékin ?"Ce n'était pas des défis suffisants pour me faire poursuivre ma carrière. Gagner Wimbledon ne m'aurait pas rendue plus heureuse. Tout ce dont j'ai rêvé, je l'ai accompli. Et personne ne peut me forcer à aimer Wimbledon".
Avez-vous pris conseil auprès de votre entourage ou auprès de votre idole et amie Steffi Graf avant de prendre votre décision ?"Mon entourage, Carlos (Rodriguez, son entraîneur) en premier, savait que quelque chose s'était cassé ces derniers mois. Mais j'ai pris ma décision seule. Sans regret. Quand à Steffi, elle m'a téléphonée hier (mardi) soir. Elle n'était pas au courant de mon projet. Je le lui ai dit et elle a été surprise. Mais elle m'a de suite félicitée pour ma carrière. C'était sympa".
Quel est votre meilleur souvenir, votre plus beau succès ?"Je ne veux pas parler d'un tournoi ou d'un match en particulier. Ma plus grande fierté, c'est d'avoir donné de l'émotion à des tas de gens. C'est pour cela que je faisais du tennis, pas pour la gloire ou pour être célèbre. Mais pour partager des moments joyeux ou moins joyeux. Echanger des regards avec mes proches après un point gagnant, par exemple".
Quel souvenir désirez-vous laisser ?"Celui que j'étais une joueuse différente: la petite qui venait défier les grandes. C'est une fierté. Même si je sais que si j'arrête si tôt, à 25 ans, c'est aussi à cause de cela. Je me suis usée".
Quels sont vos projets désormais ?"J'espère avoir des enfants lorsque j'aurai trouvé la bonne personne pour fonder une famille, même si ce n'est pas une urgence. Ca viendra quand ça viendra. Il y a aussi ma fondation (Les vingt coeurs de Justine qui vient en aide aux enfants malades, ndlr) et mon école de tennis. J'aimerais aussi voyager, pour le plaisir enfin. J'ai plein de choses à vivre. Je vais pouvoir respirer".