Peu après le raid aérien mené par l'OTAN dans la province de Kunduz, vendredi, le commandant des forces internationales en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, avait promis une "enquête complète" pour faire toute la lumière sur cet incident dont le coût humain est encore inconnu. En effet, les bilans sont contradictoires.
Alors que le gouvernement afghan parlait de 90 morts, dont 56 talibans, le gouverneur de la province a assuré, dimanche, que 56 personnes avaient été tuées, dont six civils. La presse américaine, citant des sources proches de l'enquête de l'OTAN, parle de 125 morts, dont au moins une vingtaine de civils. Un chiffre démenti par un porte-parole militaire, qui affirme ne pas disposer de bilan officiel. Les talibans ont affirmé de leur côté n'avoir subi aucune perte.
Le bombardement visait deux camions-citernes d'essence destinés aux forces internationales et volés jeudi soir dans une embuscade tendue par des talibans. Selon des témoins, l'attaque a eu lieu alors que des villageois se trouvaient autour pour en siphonner l'essence après avoir été prévenus par les talibans.
LES MILITAIRES ALLEMANDS AU COEUR DE LA POLÉMIQUE
Pour le moment, l'OTAN et l'Allemagne ont confirmé que l'opération militaire a été lancée sur la requête d'un officier allemand. Le ministre de la défense allemand, Franz Josef Jung, a justifié cette décision devant son opinion publique, samedi, dans un entretien au quotidien Bild. "Le raid aérien était absolument nécessaire. Je ne peux comprendre comment certain peuvent être aussi prompts à critiquer l'action des militaires sans connaître la situation ou disposer d'informations sur le contexte", a-t-il déclaré, ajoutant que des informations indiquaient que les talibans comptaient utiliser les camions-citernes pour "lancer une attaque contre nos soldats à Kunduz". "Il y aurait eu d'horribles conséquences pour nos soldats. C'est pourquoi, à mon sens, le responsable militaire a pris la bonne décision", a-t-il ajouté.
Ayant eu accès à l'équipe de l'OTAN qui mène l'enquête, le Washington Post rapporte que le lancement du raid a pu violer le règlement de l'OTAN, car l'officier allemand aurais pris la décision de l'autoriser sur la base de renseignements provenant d'une seule source. Le quotidien explique qu'il a d'abord eu accès à des images filmées par un chasseur américain, sans pouvoir distinguer si les personnes autour des camions étaient armées. Puis, sur la base d'un appel téléphonique à un informateur afghan lui assurant qu'il s'agissait de rebelles, l'officier a ordonné l'attaque. Le Washington Post souligne que le fait de prendre une décision de ce type sur la base d'une seule source pourrait constituer une violation des règles de l'OTAN, qui visent précisémment à réduire le nombre des victimes civiles.
Cette possible bavure ne manquera pas de relancer la polémique sur la politique de l'OTAN en matière de frappes aériennes, au moment où le général McChrystal tentait de mettre en place une nouvelle stratégie visant notamment à mieux protéger les civils et à gagner leur sympathie. Le ministre des affaires étrangères français, Bernard Kouchner, avait vivement critiqué cet incident, le qualifiant de "grosse erreur". Au cours du week-end, il a estimé que "la priorité est de faire toute la lumière sur les circonstances et le bilan définitif de cette opération".