François Bayrou, le solitaire, en quête d'une cohérence

Il est resté silencieux depuis les élections européennes. "En phase de réflexion", dit-il. Sonné par sa défaite, critiqué par ses proches pour ses erreurs stratégiques, François Bayrou s'est imposé, durant trois mois, une retraite médiatique, qu'il s'apprête à rompre dimanche 6 septembre à l'occasion de l'université d'été du MoDem, à La Grande-Motte dans l'Hérault.

Le président du Mouvement démocrate promet une "clarification". Conscient que pour beaucoup sa stratégie est peu lisible : partisan d'un centre autonome, ni de droite ni de gauche, le Béarnais a de moins en moins les moyens de ses ambitions. Pour exister, tenter de reconstituer un réseau d'élus, évaporé après la présidentielle, le MoDem ne peut plus se passer d'alliances.

Aux élections régionales, à venir, en mars 2010, il lui faudrait franchir la barre des 10 % pour se maintenir au second tour. Soit deux points de plus que son score aux européennes. Dans le cas contraire, il lui faudrait s'allier. Mais avec qui ? Pour gagner en lisibilité et éviter la cacophonie des élections municipales où le parti avait rejoint tantôt la droite tantôt la gauche, François Bayrou a promis une stratégie unique. Mais celle-ci, contrairement à ce qu'il avait annoncé, ne sera pas arrêtée à l'issue de l'université d'été de La Grande-Motte.

Les centristes veulent se donner du temps. S'allier avec l'UMP, leur partenaire traditionnel ? Depuis l'élection présidentielle, François Bayrou s'est installé dans la peau du premier opposant à Nicolas Sarkozy. Un positionnement qui l'éloigne inéluctablement du parti présidentiel pour le rapprocher de la gauche. Sa fidèle complice, Marielle de Sarnez, s'est chargée de préparer le terrain. La numéro 2 du parti, participant à Marseille, le 22 août, à une réunion du socialiste Vincent Peillon, aux côtés de Daniel Cohn-Bendit (Verts), Christiane Taubira (Radicaux de gauche) et Robert Hue, a lancé un tonitruant appel au rassemblement. "Ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise", a tempêté la députée européenne à la tribune.

"RIEN N'A CHANGÉ"

Sa visite a eu l'effet escompté : durant une semaine, la question d'une alliance avec le MoDem et des primaires ouvertes, a occupé les débats au sein de la gauche mais aussi chez les centristes. Autant que les propos, l'image a frappé les esprits : celle de Marielle de Sarnez, l'ancienne collaboratrice de Valéry Giscard d'Estaing, aux côtés de Robert Hue, l'ancien responsable du PCF. En interne, les responsables du parti ont une fois encore regretté l'absence de concertation préalable. "Rien n'a changé dans le fonctionnement du parti", regrette Corinne Lepage, qui réclame depuis les européennes plus de démocratie interne et de collégialité.

Pour les anciens amis de François Bayrou, qui l'ont quitté pour rejoindre la majorité présidentielle, "cette dérive stratégique" était en germe dès l'élection présidentielle, lorsque le candidat avait accepté de débattre avec Ségolène Royal, puis avait indiqué à la veille du second tour, de manière sibylline, qu'il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy.

"François est dans une impasse, analyse de son côté Jean-Christophe Lagarde, le député et maire de Drancy, numéro 2 du Nouveau Centre (membre de la majorité présidentielle). Il a tout misé sur l'éclatement du PS, pensant qu'il pourrait récupérer la mise." "Mais le PS est un parti solide, car c'est un parti d'élus et ces élus n'ont sûrement pas envie de casser la branche sur laquelle ils sont assis", poursuit-il. A l'UMP, les dirigeants assurent que le danger Bayrou est écarté. "Le MoDem, les Verts et le PS sont en compétition. Mais aucun ne peut prendre le leadership", analyse Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP et ancien centriste.

François Bayrou, convaincu de son destin, croit encore à la possibilité d'une "troisième voie". La droitisation de Nicolas Sarkozy, la gauchisation de Martine Aubry, lui assurent, pense-t-il, un espace. Dimanche, devant les siens, le Béarnais devrait écarter l'hypothèse de participer à une primaire ouverte à gauche pour l'élection présidentielle de 2012, sans fermer la possibilité d'un rassemblement des forces antisarkozystes au second tour. Pour le président du MoDem, le premier tour de la présidentielle fera office de primaire. Il lui reste deux ans pour convaincre.