De violents incidents ont éclatés au Gabon après l'annonce officielle de la victoire d'Ali Bongo, mercredi 3 septembre. Jeudi, pendant qu'étaient officiellement égrenés les résultats de chaque province, des partisans de Pierre Mamboundou ont attaqué la prison de Port-Gentil, deuxième ville du pays. Ils ont libéré les prisonniers avant de se diriger vers le centre-ville où des barricades ont été dressées. Peu après la proclamation, le consulat général de France à Port-Gentil a été incendié par des opposants. Selon le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, des intallations du groupe pétrolier français "Total et de Schlumberger ont aussi fait l'objet d'attaques".
Dans la capitale, Libreville, des incidents se sont produits dans au moins deux quartiers populaires. A Plein-Ciel, au nord de la capitale, des carcasses de voitures étaient visibles sur la voie express qui ceinture la capitale. Des jeunes tenaient des discours hostiles à Ali Bongo et à la France, qu'ils ont accusée d'avoir "imposé" aux Gabonais le fils du président Omar Bongo. A Nkembo, à l'est de Libreville, "des gens cassent ce qu'ils peuvent", affirme un habitant du quartier.
MANIFESTATIONS DISPERSÉES
Des milliers de personnes ont passé la nuit de mercredi à jeudi devant le siège de la Cenap (Commission électorale nationale et permanente), à l'appel de M. Mamboundou et d'autres leaders alliés. Mais en début de matinée, les forces de l'ordre ont dispersé les manifestants, parmi lesquels se trouvaient Mba Obame et Pierre Mamboundou, selon plusieurs témoignages. Ce dernier a été "blessé à la tête et à l'épaule", "nous ne pouvons vous dire à quel point, mais il est vivant", a dit le secrétaire général de l'Union pour le peuple gabonais, le mouvement de M. Mamboundou.
Interrogé sur des inquiétudes à propos d'André Mba Obame et de Pierre Mamboundou, Bernard Kouchner a affirmé que les "autorités françaises sur place" avaient des nouvelles des deux hommes. Il a confirmé que le second avait "peut-être été blessé" lors d'incidents à Libreville. Selon l'envoyé spécial du Monde, Philippe Bernard, les forces de l'ordre n'ont cependant pas tiré sur les manifestants, contrairement à ce qu'a affirmé le quotidien Ouest-France sur son site Internet. Il confirme cependant que M. Mamboundou a été blessé lors de ces heurts.
Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, le 30 août, les trois candidats – André Mba Obame, Pierre Mamboundou, opposant historique, et Ali Bongo, ex-ministre de la défense et fils du président défunt, Omar Bongo – se sont déclarés vainqueurs de ce scrutin à tour unique.
LA FRANCE "APPELLE AU CALME"
"Ce qui est train de se passer va s'accentuer. Les Gabonais n'acceptent pas ce coup de force. Les Gabonais sont chauffés à blanc", a estimé un autre candidat, Bruno Ben Moubamba, qui avait observé une grève de la faim d'une quinzaine de jours pour demander le report du scrutin. Celui-ci a accusé la France de "jouer un jeu trouble" en misant sur "l'indifférence par rapport au coup de force électoral". "J'accuse certains milieux affairistes français de faire croire à l'appareil d'Etat français que la démocratie est nuisible aux intérêts de Total, Eramet (manganèse) et Areva (uranium)", a conclu M. Ben Moubamba.